Du 1er novembre 2022 au 1er janvier 2023, l’antenne marseillaise de Prenons la Une a passé au peigne fin 102 articles traitant des violences sexistes et sexuelles (VSS) issus de 9 médias locaux en ligne. Découvrez ci-dessous les conclusions de notre rapport (téléchargeable en bas de page) et nos recommandations adressées aux journalistes pour un meilleur traitement médiatique de ce sujet.
Notre premier constat est une bonne nouvelle : les titres chargés de préjugés minimisant les violences – qui avaient poussés la journaliste Sophie Gourion à créer le blog « Les mots tuent » en 2016 – sont aujourd’hui l’exception. Depuis la première charte de Prenons la Une sur le traitement médiatique des violences faites aux femmes (publiée en 2016 et mise à jour en 2019), de réels progrès ont été accomplis. L’utilisation désormais communément admise du mot « féminicide » en est l’indicateur le plus flagrant.
Mais les notes sont mauvaises : seuls quatre médias sur neuf ont la moyenne.
Le barème
Pour constituer le barème d’une note sur 20, nous avons retenu 10 critères de la méthodologie développée par l’institut de recherche et de formation suisse décadréE : l’image choisie pour illustrer l’article est-elle adéquate ? Quel est le vocabulaire utilisé ? Comment sont décrites les victimes et les agresseurs ? Quelles sources sont utilisées ? Y-a-t-il des statistiques et ressources apportées pour contextualiser les faits ?
Voici la répartition des 102 articles en fonction de chaque critère :
En résumé : 75% des articles contiennent bien un vocabulaire de la violence (ex. féminicide, viol, violence conjugale). Mais plus de la moitié des articles ne donnent ni statistiques, ni ressources pour les victimes de violences sexistes et sexuelles (ligne d’écoute, numéro d’urgence, contact d’association).
Nos recommandations pour les rédactions
– Former les journalistes, en particulier spécialisé.e.s justice / société aux questions de violences sexistes et sexuelles : avec l’association suisse Décadrée qui a développé des formations pour les journalistes et rédactions sur le traitement des violences sexistes et sexuelles ou encore avec Prenons la Une (Marine Forestier) qui propose avec le CFPJ une formation à distance «Écrire en évitant les clichés sexistes 100% à distance ».
– Afficher dans votre rédaction les 11 conseils de PLU pour couvrir, au plus près de la réalité, les violences sexistes et sexuelles.
– Prendre en compte les conseils (encore plus détaillés!) de décadréE qui analyse depuis plusieurs années le traitements des VSS par les médias francophones suisses :
* Pour illustrer les violences : éviter de réduire aux violences physiques en montrant uniquement des coups ou des blessures, diversifier les lieux et ne pas représenter uniquement les violences à l’extérieur
* Révéler la diversité des agresseurs : il est important de ne pas tomber dans le mythe du parfait agresseur. Ne pas accentuer les traits de l’agresseur ou justifier son acte par sa maladie, la dépendance ou l’émotion
* Décrire l’escalade de la violence conjugale : les violences sont un continuum. La maltraitance conjugale se déroule dans la durée : d’abord psychiques, les violences deviennent peu à peu physiques et/ou sexuelles.
* Respecter la sphère privée de la victime : un témoignage doit être librement consenti et la victime doit être maîtresse de ses paroles du début à la fin.
* Ne pas culpabiliser les victimes : une violence est une violence quel que soit le contexte. Il est important de ne pas émettre de jugements sur le comportement, les réactions des personnes victimes, ou encore leurs physiques ou leurs attitudes lors du procès.
* Ne pas déresponsabiliser les personnes auteures de violences en évoquant une perte de contrôle, la folie ou la maladie, la dépendance, l’émotion ou la culture. De la même manière, il faut éviter d’accentuer certains traits (la nationalité, les dépendances, les maladies psychiques) des personnes auteures de violence, au risque d’essentialiser la violence et d’invisibiliser la multiplicité des profils existants.
* Ne pas juger des circonstances de la relation : qu’une relation ait commencé sur internet, à distance ou dans des conditions précaires ne constituent pas des éléments permettant de juger de la violence du
partenaire. Il est préférable d’éviter de raconter les circonstances d’une manière qui tendrait à décrédibiliser celle-ci ou justifier les violences.
* En parler pour sensibiliser et révéler cette réalité : parler des violences sexistes pour décrypter le phénomène et le comprendre est essentiel. Il est important de visibiliser ce phénomène de société et son ampleur en diversifiant les formes de violences abordées
et les domaines touchés.
* Questionner les rapports de pouvoir en jeu : la violence n’est pas une question de perte de contrôle sur soi, mais de contrôle de l’autre et de rapport de pouvoir. Il est important de questionner les rapports de pouvoir et d’emprise qui se dessinent dans la relation entre la personne auteure et celle qui est victime de violence.
* Qualifier pénalement les faits rapportés dans l’article et préciser les peines encourues pour le harcèlement, agression sexuelle, exhibition sexuelle, viol etc. (voir les définitions plus bas).
* Ajouter des ressources pour les victimes de violences sexistes et sexuelles (en fin d’article par exemple) : le numéro de téléphone 3919, gratuit et anonyme, pour les victimes des violences sexistes et/ou sexuelles ; la permanence d’accueil du Planning familial de Marseille (106 bd national,13003 Marseille) ; le numéro vert d’écoute gratuit et anonyme 0800 081 111 tenu par le Planning familial sur toutes les questions liées à la sexualité, dont les violences ; la Maison des femmes de Marseille ; le site et chat en ligne «Parlons sexualités »
Le rapport complet
Pour en savoir plus
Vous êtes journaliste et/ou responsable de l’un des neuf médias concernés (France 3, BFMTV.fr, France Bleu, Actu.fr, Maritima, Marsactu, La Provence, 20 Minutes, La Marseillaise) et souhaitez avoir accès au détail des articles analysés et notés par l’antenne de Prenons la Une : écrivez nous à prenonslaune@gmail.com
Vous êtes chercheur·e et souhaitez connaitre notre grille d’analyse détaillée voire répliquer notre étude à l’échelle nationale, contactez nous à la même adresse !