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Procès en appel: Prenons La Une soutient la journaliste Julie Hainaut

Tribune publiée sur le blog des invités de Mediapart, le 24 novembre 2020

Aujourd’hui – mardi 24 novembre 2020 – s’ouvre le procès en appel de l’un des cyberharceleurs ayant pris pour cible Julie Hainaut.

Depuis 2017, cette journaliste lyonnaise subit des vagues de cyberharcèlement en raison d’un article publié dans un journal local. En reportage dans un bar, elle avait rapporté les propos qui y étaient tenus, des propos vantant l’époque de la colonisation et développant une rhétorique raciste décomplexée. Son article a attiré l’attention d’un site fasciste et de ses lecteurs.

Parce qu’elle a fait son métier, Julie Hainaut a été insultée, humiliée, menacée par des identitaires français.

Pourtant, seul l’un de ses cyberharceleurs comparaît aujourd’hui devant la cour d’appel de Lyon. Condamné en première instance à 6 mois avec sursis et 5500€ d’amende, cet homme – défendu par Me Damien Viguier, également avocat d’Alain Soral – est poursuivi pour « injure à caractère sexiste et raciste » et non pour cyberharcèlement, délit pourtant qualifiable pénalement depuis 2014, complété en août 2018 (2 ans de prison et 30 000 € d’amende).

PLU soutient Julie Hainaut, victime de cyberviolences continues dans l’exercice de sa profession. Son cyberharcèlement est emblématique : les faits concernent une femme, une journaliste, une pigiste, qui a été laissée seule dans tout son combat contre les cyberviolences néonazies. Sa e-réputation a été salie, sa confiance en elle ruinée, ce qui a nui à son travail de journaliste indépendante. Elle a cessé de donner des cours à l’université, s’autocensure par risque de représailles et n’a été soutenue ni par son rédacteur en chef ni par son directeur de publication.

Pourtant, les cyberviolences à l’encontre des journalistes ont un impact sur leur travail, donc sur la liberté de la presse. Reporters sans frontières et le SNJ l’ont bien compris : l’ONG et le syndicat sont partie civile au procès. Il existe une obligation pour l’employeur –que la personne soit, cdi, intérimaire, ou peu importe le contrat– de veiller à la sécurité et la santé de ses employés, auquel cas il pourrait voir sa responsabilité civile et pénale engagée.

Julie Hainaut, Nadia DaamAlice Coffin : à chaque fois qu’une journaliste prend position et qu’elle reçoit une opposition frontale, s’en suit  une vague de cyberviolences sur laquelle les médias ferment les yeux, comme s’il s’agissait d’une chose privée ne relevant pas de leur domaine d’activité. C’est faux : les cyberviolences abîment et les rédactions doivent s’engager à lutter contre ce risque. Leurs employé·es peuvent toutes et tous y être confronté·es.

Nous, journalistes et professionnel·les des médias, avons un rôle dans cette affaire, en premier lieu quand un·e des nôtres est pris·e pour cible.

PLU milite pour que les responsables de médias ne se détournent pas de leurs employé·es (salarié·es ou pigistes). Ils devraient au contraire les soutenir en leur accordant un congé, comme on pourrait le proposer aux journalistes blessé·es physiquement dans l’exercice de leur métier ; en leur permettant un accompagnement psychologique (psychologue du travail, médecine du travail) ; en leur proposant la prise en charge de leurs réseaux sociaux, pour effacer les messages malveillants et accorder une pause à la victime.

Nous demandons donc aux médias de créer leur propre cellule interne pour soutenir leurs journalistes et d’y inclure les RH et le service juridique pour proposer une aide à la personne victime.

N’isolez pas vos pigistes, formez vos équipes à réagir rapidement aux cyberviolences. Et si vous êtes témoins du cyberharcèlement de votre collègue, faites front commun en soutenant cette personne devant votre direction. Les cyberviolences nécessitent du soin, de l’entraide et de l’empathie, comme tout type de violence.

Au-delà, nous, journalistes et professionnels des médias, jouons un rôle dans le traitement médiatique des cas de cyberharcèlement.

En documentant les plaintes des victimes, les journalistes doivent veiller à ne pas aggraver les attaques dont elles font déjà l’objet, à ne pas traiter avec légèreté les cyberviolences dans leurs productions : inutile de culpabiliser les victimes pour leurs écrits ou leurs positions. Les journalistes doivent aussi à leur échelle s’informer des conséquences physiques que le cyberharcèlement a sur ses cibles : maladies cardiaques, insomnies, dépression, pour n’en citer que quelques-unes. C’est une question de déontologie.

Prenons le cyberharcèlement pour ce qu’il est : une violence qui n’a rien de virtuel contre des collègues qui n’ont fait qu’exercer leur métier. Protégeons-les.


Pour lutter à son échelle contre ces cyberviolences, notre association a développé un protocole en cas de cyberharcèlement permettant à toute journaliste isolée d’obtenir un relais d’alliées dans la gestion de ses réseaux sociaux, lors de raids. Cette action bénévole s’ajoute à la plateforme de soutien du pôle écoute de PLU, dont vous pouvez bénéficier en nous contactant ici : allosexisme[@]prenonslaune[.]fr