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Le « Baupingate » n’est pas « une affaire de bonnes femmes »

Le « Baupingate » n’est pas une « affaire de bonnes femmes »
Tribune publiée le 18 mai 2016 dans Le Monde

L’évasion fiscale a eu son « LuxLeaks ». La pédophilie dans l’Eglise a eu son film, Spotlight. En France, le harcèlement et l’agression sexuels dans le milieu politique ont désormais leur « Baupin-gate ». Le collectif de femmes journalistes Prenons la une appelle à poursuivre au développement de ce genre d’enquête solide et utile aux droits des femmes.

Ces affaires ont été révélées grâce à des lanceurs et lanceuses d’alerte, que des journalistes ont jugés dignes d’écoute. Dignes d’être entendus par le grand public. Et pourtant, il n’y avait pas eu de plaintes. Si nous attendons la présence de dépôts de plainte, si nous attendons l’intervention de la justice, alors la majorité des affaires ne seront pas révélées au public.

Jusqu’à présent, tant qu’une plainte n’était pas déposée ou s’il y avait prescription, les violences faites aux femmes ne faisaient pas l’objet d’une enquête journalistique. Les révélations récentes de Mediapart et France Inter, et l’onde de choc qu’elles ont provoquée, montrent bien qu’il s’agit d’une question d’intérêt général.

Une femme sur cinq est confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle, d’après une étude publiée par le Défenseur des droits. 41 % d’entre elles sont victimes d’un de leurs collègues sans relation hiérarchique. Nous, journalistes, ne pouvons plus faire comme si le sujet n’était pas suffisamment concernant pour enquêter.

Malgré une prise de conscience depuis l’affaire DSK, beaucoup de journalistes et de rédactions confondent encore violences et harcèlements sexuels avec libertinage et adultère. L’affaire Baupin ne relève pas de « frasques sexuelles » amusantes ni d’une « affaire privée ». Les faits dénoncés relèvent du délit.

Une nouvelle ère

Le harcèlement est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle. Ou même de façon non répétée, d’user de pressions graves dans le but d’obtenir un
acte de nature sexuelle. L’auteur risque jusqu’à trois de prison. L’agression sexuelle, elle, implique un geste, tels que des attouchements de nature sexuelle imposés avec violence, contrainte, menace ou surprise. La peine peut aller jusqu’à cinq années d’emprisonnement.

En mai 2015, dans Libération, la tribune de femmes journalistes politique intitulée « Bas les pattes » racontait déjà les réflexions, les textos sans ambiguïté, les pressions, qu’elles subissent quotidiennement dans ce monde d’hommes et de pouvoir. Cette dénonciation du sexisme en politique a permis de mettre au jour ce qui fait le terreau des faits dénoncés aujourd’hui et a favorisé la libération de la parole.

Depuis les récentes révélations, des témoignages de harcèlements et d’agressions sexuelles dans le milieu politique affluent vers les rédactions. Ne les négligeons plus. Ouvrons une nouvelle ère du journalisme, où les « affaires de bonnes femmes » n’alimentent plus les discussions à la machine à café, mais débouchent sur de véritables enquêtes, comme celle qu’ont menée Mediapart et France Inter.

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